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[Article mis à jour le 16 décembre 2021]
Comme on ne cesse de devoir le rappeler, toute forêt a un propriétaire : l’État, une collectivité territoriale, ou une personne privée[1]Tout savoir sur les forêts : les forêts appartiennent-elles à tout le monde ?, ONF
. Est-ce à dire qu’on ne peut se promener, en droit, que dans les forêts publiques ? C’est plus compliqué que cela.
L’essentiel de la forêt française est privée


La forêt privée représente les trois-quarts de la surface forestière en France métropolitaine, contre un quart de forêt « publique », répartie entre les forêts domaniales appartenant à l’État (environ 1 300 forêts gérées entièrement par l’Office national des forêts, ONF) et les forêts communales (les forêts acquises par quelques départements ou régions ne représentent qu’un pourcentage infime). La propriété foncière est en outre très inégalement répartie sur le territoire : essentiellement publique dans le quart Nord-Est, alors qu’elle est majoritairement privée au Sud et à l’Ouest (la forêt des Landes, par exemple, est privée à 93 %).
Chemin public ? Chemin privé ?

Localement, les espaces privés et publics s’interpénètrent souvent : des voies publiques (chemins ruraux, voies communales) ouvertes à tous traversent des forêts privées. Les voies privées, elles, peuvent être ou non ouvertes au public, selon le choix fait par leur propriétaire. En l’absence de clôtures, barrières ou panneau d’interdiction explicite, ces voies privées sont réputées ouvertes au public, mais il ne s’agit que d’une tolérance. Des contraintes spécifiques peuvent s’appliquer dans divers cas (chemin de halage, voies de défense contre l’incendie DFCI…). Certains espaces font enfin l’objet de règlementations particulières, y compris sur les voies publiques (parcs nationaux, réserves naturelles nationales, réserves biologiques, forêts de protection, arrêtés de protection de biotopes, sites du conservatoire du littoral…)
En forêt privée, une large tolérance
En pratique, l’accès des promeneurs aux forêts privées, en l’absence d’interdiction explicite et à condition de rester sur les chemins, est fréquemment toléré. En outre, même en cas d’interdiction explicite, la loi ne permet pas aujourd’hui de poursuivre les contrevenants s’ils n’ont causé aucun dommage. Il faut souligner en revanche que la responsabilité civile du propriétaire privé peut, dans tous les cas, être engagée en cas d’accident arrivant à un tiers(chutes de branches, d’arbres…)[3]Article 1242 du Code civil, Légifrance .
Il n’existe cependant pas en France d’équivalent du « droit de tout un chacun de profiter de la nature » indépendamment du droit de propriété (mais sous certaines conditions) que l’on rencontre dans les pays scandinaves. Aussi répandue soit cette tolérance à l’égard des promeneurs, et aussi bienvenue soit-elle dans une certaine mesure, elle ne constitue aucunement un « droit. » À la différence du régime qui concerne la chasse.
Les chasseurs, eux, sont des ayants-droits
Faut-il rappeler qu’en France, selon les termes du Code de l’environnement, et depuis la loi sur la chasse de 1844, « nul n’a la faculté de chasser sur la propriété d’autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit[4]Article L422-1, Code de l’environnement, Légifrance » ? Qu’il s’agisse de la forêt privée ou publique, les chasseurs chassent :
- Soit en tant que propriétaires privés individuels,
- Soit en tant qu’ayant-droit d’un bail de chasse conclu avec le propriétaire privé ou public (ONF, commune, département, région),
- Soit au titre du territoire de chasse collectif d’une association communale de chasse agréée (ACCA), réunissant les propriétés foncières privées d’une commune placée sous le régime de la loi Verdeille.
Ce statut n’est pas qu’une question de droit acquis. Il est justifié par le rôle indispensable de la chasse dans la gestion de la faune et dans l’équilibre agro-sylvo-cynégétique, inscrit au Code de l’environnement :
L’équilibre agro-sylvo-cynégétique consiste à rendre compatibles, d’une part, la présence durable d’une faune sauvage riche et variée et, d’autre part, la pérennité et la rentabilité économique des activités agricoles et sylvicoles.
[…]
L’équilibre agro-sylvo-cynégétique est recherché par la combinaison des moyens suivants : la chasse, la régulation, la prévention des dégâts de gibier par la mise en place de dispositifs de protection et de dispositifs de dissuasion ainsi que, le cas échéant, par des procédés de destruction autorisés[5]Article L425-4 du Code de l’environnement, Légifrance .
La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique[6]Article L420-1 du Code de l’environnement .
En forêt domaniale, publique donc, ceci conduit d’ailleurs l’ONF à limiter l’accès du public en cas de nécessité. Soit en recommandant d’éviter de pénétrer dans les enceintes[7]Charte du promeneur “J’aime la forêt : ensemble, protégeons-la !”, ONF , soit avec des interdictions ponctuelles explicites[8]Voir l’exemple de la forêt domaniale de Montmorency : Val-d’Oise. Pour réguler le nombre de grands animaux, la chasse a repris le jeudi en forêt de Montmorency, La Gazette, Val d’oise, 25 novembre 2021, ou encore celui de la forêt du Buchholz : La forêt du Buchholz fermée trois matinées pour chasser les chevreuils et sangliers, Le Républicain Lorrain, 2 … Lire la suite :
De même, le maire d’une commune peut restreindre par arrêté l’accès aux voies et chemins communaux pour des raisons de sécurité liées à la chasse. C’est le cas par exemple à Moisdon-la-Rivière en Loire-Atlantique… où un sentier de randonnée sur les 3 que compte la commune est fermé durant la saison de chasse :

Faire preuve de bon sens et aménager des solutions concertées
D’une manière générale, on fait surtout appel au bon sens du public : que le chemin soit public ou privé, qu’il s’agisse d’une forêt publique ou privée, éviter les zones de chasse en battue (signalées systématiquement et obligatoirement) devrait relever de l’évidence. Mais ce n’est hélas pas si évident pour certains activistes fanatiques anti-chasse, qui s’emploient à agiter des ressentiments passablement absurdes…
Jusqu'à quand allons-nous accepter ça ? J'attends des éclaircissements de la commune sur ce panneau ahurissant. pic.twitter.com/PhlhIf526L
— Pierre Rigaux (@RigauxNature) February 14, 2019
Plutôt que de céder à ces propagandistes antispécistes, ou aux politiciens opportunistes qui parlent d’interdiction totale de la chasse le dimanche ou tout le week-end, ou avant qu’on ne nous impose le fameux « droit de tout un chacun de profiter de la nature » des pays scandinaves[9]Lire à ce propos le Livre blanc de la Fondation François Sommer, Retisser le lien entre la chasse et la société, 8 chantiers pour 2040, Fondation François Sommer, juin 2021 , ne ferait-on pas mieux de réfléchir ensemble, localement, sereinement, aux éventuels aménagements qui peuvent être trouvés pour faciliter la cohabitation de tous les usages — raisonnés et mesurés — de la forêt, et plus largement de nos espaces naturels. Par exemple :
- Calendriers de chasse publics et aisément accessibles,
- Calendriers adaptés au cas par cas, avec des demi-journées de chasse, ou des chasses par lots laissant toujours un lot non chassé,
- Jours sans chasse concertés au moins au niveau départemental, sinon communal.
- Applications mobiles et services en ligne permettant de connaître précisément à l’avance et en temps réel les zones de battues, à l’image de ce qui a commencé à se faire dans certains départements, comme en Isère[10]Jour de Chasse Isère, sur Playstore :

Mais ce sont aussi des adaptations de nos modes de chasse, là où c’est nécessaire, possible et pertinent, comme par exemple, et spécifiquement en zone péri-urbaine :
- Plutôt que la battue à cor et à cri, traque-affût (mais nous devons pas pour autant renoncer à la chasse aux chiens courants),
- Chasse à l’arc,
- Piégeage (un vieux tabou chez les chasseurs, concernant le sanglier)…
La chasse ne sera pas abolie. La forêt n’est pas, ne sera pas, à tout le monde. La chasse y est, pour le grand gibier, une nécessité (elle l’est plus largement pour une trentaine d’espèces de façon triviale). Le public y bénéficie d’une large tolérance de la part de ses très nombreux propriétaires privés. Mais pour que le plus grand nombre puisse continuer à en profiter, plutôt que d’opposer chasseurs et promeneurs, plutôt que de favoriser ainsi l’engrillagement ou des interdictions de passage, nous avons tous à gagner à travailler ensemble, loin des idéologues animalistes et de leurs discours extrémistes. Faisons preuve d’intelligence. Ne nous contraignez pas à en arriver pas à cela…
Et ça se passe comment, vous allez m’interdire de chasser chez moi tout en m’imposant de laisser libre d’accès mon terrain aux promeneurs?
— MahtfЯid ⓘ 𝗢𝗳𝗳𝗶𝗰𝗶𝗮𝗹 𝘀𝗼𝘂𝗿𝗰𝗲𝘀… (@mahtfrid) October 29, 2021
Vous rêvez cher Yannick. Plus de chasse, plus de promeneurs. C’est bête et pas très altruiste monsieur Jadot, je sais, mais c’est comme ça.