Les français majoritairement opposés à la chasse ? Pas si simple

Sommaire

[Article en cours d’actualisation pour y inclure le dernier sondage IPSOS Onevoice Animal d’octobre 2022]

La chasse serait l’objet d’un rejet massif en France selon les associations animalistes ? À y regarder de plus près, l’opinion publique est loin d’être aussi tranchée. Il serait beaucoup plus juste de dire qu’au-delà de certains sujets spécifiques comme celui des accidents de chasse, les français sont très partagés. Une (parfois courte) majorité reconnait en fait la légitimité et l’utilité de la chasse, ainsi que des services rendus par les chasseurs, les avis variant manifestement selon le degré de connaissance ou de méconnaissance de notre loisir.

Le poids de la méconnaissance de la chasse

Le sondage sur le rapport des Français à la chasse et aux chasseurs effectué par l’Ifop en février 2021[1]Le rapport des Français à la chasse et aux chasseurs, Ifop pour la Fédération nationale des chasseurs, février 2021, PDF, 1.4 Mo. apporte une première information essentielle : l’appréciation portée sur la chasse dépend considérablement de la connaissance ou de la familiarité avec celle-ci. Alors que 34% des sondés seulement déclarent être très bien informés ou assez bien informés sur la chasse, ils sont 55% à y être plutôt défavorables, et ce nombre monte à 62% chez ceux qui se disent mal informés.


Que signifie précisément « habiter à proximité de zones de chasse » ? L'Ipsos ne nous en dit pas plus…

Cette donnée essentielle sur le degré de connaissance de la chasse chez les personnes sondées fait hélas défaut dans la plupart des sondages, à commencer par celui de l’Ipsos sur l’opinion des français à l’égard de la chasse, de septembre 2021[2]L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko . Tout au plus apprend-on que seuls 4 sondés sur 1 079 personnes interrogées étaient eux-mêmes chasseurs (soit une proportion inférieure à celles des détenteurs du permis de chasser dans la population française, sans parler de leur entourage immédiat). À cet égard, certaines questions de ce sondage, sur le sentiment d’insécurité liés à la chasse, laissent également songeur quand on y lit qu’elles ont été posées « à ceux qui habitent à proximité de zones de chasse », une notion tout de même assez floue. S’agit-il des personnes habitant en zone rurale ? Autre ? Croiser des chasseurs postés en bord de route quand on se rend en voiture à son travail suffit-il à connaître un minimum la chasse ?

Peut-être m’objecterez-vous que les sondages permettent d’affiner l’opinion exprimée selon que les personnes interrogées habitent en ville ou dans des communes rurales, et que les ruraux ne peuvent manquer, eux, de mieux connaître la chasse que les citadins ? Mais en réalité, plus de la moitié (59%) des sondés habitant une commune rurale se disent eux-mêmes mal informés sur la chasse, et 52% déclarent n’avoir aucun chasseur dans leur entourage[3]Le rapport des Français à la chasse et aux chasseurs, Ifop pour la Fédération nationale des chasseurs, février 2021, PDF, 1.4 Mo. . Combien d’habitants des bourgs campagnards vivent-ils en réalité en « rurbains » ? Combien de néo-ruraux venus habiter en pleine campagne en connaissent-ils réellement les réalités, qu’elles soient agricoles, cynégétiques ou forestières ? À l’heure où on se plaint du chant du coq, de l’odeur des vaches et du bruit des tracteurs, quand ce n’est pas du chant des grenouilles, est-il surprenant qu’une large partie de ces gens ignorent tout ou presque de la chasse ?


Toutes les armes de chasse ne se « cassent » pas…

Un tel tableau est-il choquant ? Encore faut-il savoir qu’il s’agit d’une monteria, une forme de battue en Espagne, que l’on ne pratique pas en France, où un territoire très giboyeux de plusieurs milliers d’hectares fait l’objet de quelques « grandes » chasses au cours de la saison, réunissant de nombreux chasseurs.

Combien de fois avons-nous lu sur les réseaux sociaux « j’ai croisé des chasseurs en me promenant, ils n’ont même pas cassé leurs fusils » ? Mais combien de gens, en toute bonne foi, ignorent que l’on chasse aussi avec des armes, fusils ou carabines, qui ne cassent pas, et que l’on décharge ou dont on ouvre la culasse quand on croise des promeneurs ?

Comment quelqu’un qui n’a aucune expérience réelle de la chasse en battue peut-il évaluer si une photographie de tableau de chasse représente réellement un « massacre » comme le lui affirment les militants anti-chasse ? Combien de personnes savent-elles qu’un tableau dépend du territoire chassé, de la fréquence des battues qui y sont menées ? Combien se rendent-elles compte que, dans le cadre d’un plan de chasse, il est indifférent que l’on prélève tout le quota attribué en une ou deux battues, à gros tableaux, plutôt qu’au fil de multiples battues tout au long de la saison ? Parmi les avis condamnant la chasse, combien relèvent-ils de « l’ultracrépidarianisme » (comportement consistant à donner son avis sur des sujets sur lesquels on n’a pas de compétence crédible ou démontrée)[4]80% des français contre la chasse: un physicien propose une toute autre vision des choses !, chassons.com, 28 juillet 2020  ?


Plus de la moitié des équipages de vénerie chassent à pied, et moins du dixième chassent le cerf[5]La chasse à courre en chiffres, Société de Vénerie

Tenir compte du degré de connaissance de la chasse est à l’évidence encore plus essentiel quand on aborde la question de certains modes de chasse tels que la vénerie. Si l’Ifop rapporte que 82% des sondés se prononcent contre la chasse à courre en 2020[6]Les Français et la condition animale, Ifop pour la Fondation Brigitte Bardot, août 2020, PDF, 1.2 Mo, , combien de ceux-ci ont-ils seulement suivi une chasse ? Combien connaissent-ils un équipage ? En 2011, seulement 11% des personnes interrogées habitaient une commune où se déroulaient des chasses à courre, 19% avait des proches qui participaient à des chasses et 16% seulement avaient déjà assisté eux-mêmes à une chasse, tandis que 70% des sondés disaient n’avoir aucune ou pratiquement aucune connaissance sur la vénerie[7]Livre blanc de la vénerie, Société de vénerie, 2011, PDF, 22.6 Mo . Aujourd’hui, combien n’ont-ils en tête en réalité que quelques images aperçues sur les réseaux sociaux ou dans les médias ? Il suffit de constater le nombre de personnes qui assimilent la chasse à courre à la seule vénerie du cerf, à cheval, alors que 55% des équipages chassent le lièvre, le lapin ou le renard à pied, pour mesurer à quel point les clichés les plus erronés peuvent être déterminants dans de tels sondages.

On ne sera pas plus étonné de l’avis massivement défavorable à l’égard de la vénerie sous terre quand on songe que cette chasse est certainement encore plus méconnue que la chasse à courre : 83% des sondés sont pour l’interdiction du déterrage alors que le même sondage indique que 73% des sondés ignoraient jusqu’à son existence[8]Les Français rejettent massivement la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, оctobre 2018 . La plupart des gens n’ont en réalité « découvert » la vénerie sous terre que très récemment et uniquement à travers quelques images diffusées par les activistes anti-chasse, racoleuses et choisies, filmées chez on ne sait qui (renardeaux ou blaireautins livrés vivants aux chiens, assommés à la pelle…)[9]Déterreurs de blaireaux, Pierre Rigaux, 2020 [10]@onevoiceanimal sur Twitter, 16 juin 2020 et qui sont très loin de refléter la pratique et l’éthique des équipages de l’Association française des équipages de de vénerie sous terre (AFEVST)[11]Nos détracteurs, AFEVST .

Combien de sondages, combien de gens qui nous brandissent ces sondages, tiennent-ils compte de cette réalité fondamentale : on rejette d’autant plus ce que l’on connaît mal ou qu’on ne perçoit qu’à travers quelques clichés, quand ce ne sont pas des images de propagande hostile ?

Une opinion partagée… quand elle n’est pas indifférente


51% de sondés opposés à la chasse selon l’Ipsos, mais aussi… 29% d’indifférents

Il n’en reste pas moins que l’opposition à la chasse apparaît beaucoup moins massive que ne le prétendent bon nombre de ses opposants : seulement 55% des sondés y sont défavorables selon l’Ifop (sondage commandé par la Fédération nationale des chasseurs[12]Le rapport des Français à la chasse et aux chasseurs, Ifop pour la Fédération nationale des chasseurs, février 2021, PDF, 1.4 Mo. ) et 51% selon l’Ipsos (sondage commandé par One Voice Animal[13]L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko ).

Un autre enseignement des sondages qui offrent cette possibilité de réponse est qu’un nombre non négligeable de gens sont, eux… tout bonnement indifférents à la question de la chasse : 27% selon l’Ifop[14]Le rapport des Français à la chasse et aux chasseurs, Ifop pour la Fédération nationale des chasseurs, février 2021, PDF, 1.4 Mo. , 29% selon l’Ipsos[15]L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko .

Comment ne pas rappeler à cet égard le résultat du sondage effectué en 2011 par CSA à la demande de la Société de Vénerie[16]Livre blanc de la vénerie, Société de vénerie, 2011, PDF, 22.6 Mo  ? 87% des sondés qui déclaraient connaître la chasse à courre ou en avoir entendu parler… ne se sentaient pas concernés par la question. Quand on songe à l’entreprise massive et systématique de désinformation menée ces toutes dernières années par le groupuscule anti-vénerie AVA, mais aussi des acteurs d’influence comme Allain Bougrain-Dubourg, ne doit-on pas relativiser le chiffre de 5% de sondés seulement qui déclarent ne pas se prononcer sur ce sujet en 2020, selon l’Ifop[17]Les Français et la condition animale, Ifop pour la Fondation Brigitte Bardot, août 2020, PDF, 1.2 Mo,  ? S’agit-il d’une « prise de conscience » aussi massive qu’hostile, ou du résultat d’une propagande martelée face à laquelle les veneurs sont hélas bien peu audibles ?

vénerie Chiens - 11
Laurent Facques, veneur, répond à un article particulièrement calomnieux d’Allain Bougrain-Dubourg dans Charlie Hebdo sur les chiens de chasse à courre

Le rôle de la chasse est aussi favorablement reconnu à plusieurs titres


Les chasseurs, des acteurs bénévoles pour des missions de service public et d’intérêt général[18]La chasse, coeur de biodiversité, Fédération nationale des chasseurs, septembre 2020

Le chasseur, sentinelle de la santé publique et animale[19]La chasse, coeur de biodiversité, Fédération nationale des chasseurs, septembre 2020

Ne pas se déclarer favorable à la chasse n’empêche pas d’en reconnaître différentes qualités ou utilités. Ainsi, selon l’Ipsos[20]L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko  :

  • La chasse est indispensable pour gérer les populations animales et pour limiter les dégâts de la faune sauvage pour… 60% des sondés
  • La chasse fait partie du patrimoine culturel français pour… 58% des sondés
  • La chasse représente le mode de vie rural pour… 55% des sondés

Dans le même ordre d’idée, selon l’Ifop[21]Le rapport des Français à la chasse et aux chasseurs, Ifop pour la Fédération nationale des chasseurs, février 2021, PDF, 1.4 Mo.  :

  • La chasse participe à la vie rurale et maintient un lien social et inter-générationnel dans les campagnes pour… 59% des sondés
  • Les traditions rurales comme la chasse peuvent être maintenues, dès lors qu’elles participent à la valorisation de nos territoires ruraux et à la protection de nos paysages pour… 65% des sondés
  • Les actions de plantation de haies par les chasseurs sont jugées utiles pour le maintien de la faune sauvage par… 73% des sondés
  • Les personnes qui seraient prêtes à acheter du gibier issu des terroirs de France et non importés constituent… 51% des sondés
  • Les chasseurs sont indispensables pour la régulation des sangliers pour… 60% des sondés
  • Le réseau de veille sanitaire SAGIR mis en place par les chasseurs (et l’ex-ONCFS OFB) est utile pour 76% des sondés.

On regrettera à ce sujet la maladroite campagne de la FNC sur les « chasseurs, premiers écologistes de France » en 2018, dont la formulation inutilement provoquante, bien que partiellement fondée, a suscité sans doute au moins autant de rejet que d’adhésion, sinon davantage. La contribution écologique de la chasse est majeure, mais en faire un podium n’avait aucun sens et n’a hélas fait que brouiller le message, offrant aux opposants à la chasse l’occasion de souligner avec délice que 66% « désapprouvent l’idée selon laquelle les chasseurs seraient les premiers écologistes de France[22]L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko  ».

La question cruciale de la sécurité à la chasse

Si l’opinion est donc loin de condamner massivement, en bloc et entièrement la chasse, certaines questions se détachent clairement et suscitent effectivement, pour une majorité de gens, inquiétude, défiance ou rejet. Encore faut-il les situer précisément. Examinons les principales, qui ressortent des sondages disponibles, sans prétendre à l’exhaustivité.


Le nombre d’accidents de chasse a diminué de 41% entre 1999 et 2020 (sans compter la saison 2020-2021, manquée par le confinement)[23]Bilan des accidents et incidents de chasse – Saison 2020-2021, OFB

Le nombre d’accidents de chasse mortels a diminué de 71% entre 1999 et 2020 (sans compter la saison 2020-2021, manquée par le confinement)[24]Bilan des accidents et incidents de chasse – Saison 2020-2021, OFB

La question des de la sécurité à la chasse apparaît bien évidemment en tête des motifs d’hostilité ou de défiance envers la chasse. Le nombre d’accidents de chasse a beau avoir été réduit de près de moitié au cours des vingt dernières années, celui des accidents de chasse mortels de près des trois-quarts, les chasseurs ont beau représenter l’essentiel des victimes de ces accidents… une large partie de l’opinion exprime une forte inquiétude quant à sa propre sécurité « en forêt »[25]L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko  :

  • La chasse pose des problèmes de sécurité pour les promeneurs lors de ballades dans la nature pour 83% des sondés
  • 76% déclarent éviter de se promener en forêt ou dans certaines zones par peur d’un accident de chasse (l’ONF, cependnant, ne constate ces dernières années aucune diminution significative des visites en forêt…)
  • 75% se disent inquiets de la possible présence de chasseurs lorsqu’ils se promènent en forêt (une raisonnable prudence, de bon sens, est cela dit mère de sûreté)
  • La proposition d’interdire la chasse le week-end et pendant les périodes de vacances reçoit 69% d’approbation[26]L’adhésion à l’interdiction de la chasse les week-end et pendant les vacances, Ifop pour le Journal du Dimanche, novembre 2021 , voire 82%[27]L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko , aussi abusive et en réalité inappropriée soit-elle au regard des véritables réponses sur ce point[28]Le dimanche sans chasse national ? Mauvaise réponse et vraie question, franc-aller.info, 11 juin 2021 .

Comment s’en étonner quand on constate à quel point l’opinion publique est matraquée depuis trois ou quatre ans à coups d’articles sensationnalistes à chaque accident ou même incident de chasse, sans remise en contexte le plus souvent, ni véritable mesure du risque ? Sans parler de la propagande des activistes anti-chasse, qui n’ont aucun scrupule à déformer et détourner les chiffres, ainsi qu’à nier la sécurisation bien réelle de la chasse au cours des 20 dernières années, en attribuant la baisse du nombre d’accidents uniquement à celle du nombre de chasseurs, alors que, comme le souligne les spécialistes du réseau sécurité à la chasse de l’ex-ONCFS OFB :

Si d’un côté, il y a moins de chasseurs, leur nombre ayant été pratiquement divisé par deux en 20 ans, on a un risque beaucoup plus élevé puisque les populations de grand gibier ont été multipliées par cinq. Concrètement, cela signifie qu’on tire aujourd’hui quatre à cinq fois plus de balles à la chasse – 7 à 9 millions par an – qu’il y a 20 ans. Le risque potentiel est donc beaucoup plus important. Or si, proportionnellement, l’on avait autant d’accidents qu’il y a 20 ans, nous serions actuellement à 800 ou 900 par an. L’amélioration est donc bien réelle dans les pratiques de la chasse, preuve qu’au global, les formations faites par les fédérations de chasseurs et l’ONCFS à travers l’examen du permis de chasser portent leurs fruits.

François David, responsable du Réseau Sécurité à la chasse à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS, aujourd’hui OFB)[29]Accidents de chasse mortels : la série noire, La Dépêche du Midi, 24 novembre 2020


Sur les 141 victimes d’accidents de chasse en 2019-2020, seulement 15 étaient des non-chasseurs. Et une seule victime d’accident mortel.[30]Bilan des accidents et incidents de chasse – Saison 2019-2020, OFB

La chasse ne représente que 4% des accidents mortels dans le cadre d’activités sportives de nature[31]Décès traumatiques en pratique sportive en France métropolitaine en 2017 et 2018. Résultats d’un recueil de données à partir des médias accessibles sur Internet, santepubliquefrance.fr, 24 janvier 2020. On a objecté à ce constat le fait qu’il y a beaucoup de pratiquants des autres disciplines sportives que de chasseurs, et que la comparaison était donc faussée. C’est … Lire la suite

On se souvient en particulier de l’ignominieuse campagne d’affichage de la Fondation Brigitte Bardot au printemps 2021, reprenant les codes de la communication gouvernementale contre le Covid, qui présentait les 141 victimes d’accidents de chasse de la saison 2019-2020, et les morts parmi celles-ci, comme étant toutes des non-chasseurs, alors qu’il ne s’agissait que de 15 victimes non-chasseurs, et une seule pour les accidents mortels[32]La nouvelle campagne de la Fondation Brigitte Bardot fâche les chasseurs, France 3, 21 avril 2021 .

Qu’il soit bien clair que tout accident de chasse, quelle que soit la victime, est dramatique. Qu’il soit tout aussi clair qu’un accident de chasse est inexcusable dès lors qu’il y a imprudence, non-respect des règles de tir et de sécurité de la part d’un chasseur. Un seul accident sera toujours de trop, il n’est pas question ici de minimiser ou de relativiser la gravité de cette question. En revanche, il est regrettable que « l’image du fusil » (fait pour tuer) sur laquelle joue la propagande anti-chasse rende si difficile à faire comprendre un constat pourtant bien établi : en termes de risque pour le public, la chasse est très loin d’être une activité particulièrement accidentogène, dès lors qu’on compare les activités de pleine nature. Le risque encouru par les millions de français qui se promènent, font du VTT ou vont aux champignons, lors de quelques 700 millions de visites en forêt chaque année[33]La forêt, un levier pour le développement touristique, ONF, février 2019 , est en réalité très faible.

D’autres indications apportées par ces sondages sont plus largement révélatrices de la difficulté à faire comprendre cette question de la sécurité à la chasse. On relèvera par exemple que l’instauration d’une visite médicale annuelle obligatoire pour le permis de la chasse avec contrôle de la vue recueille l’approbation de 93% des sondés, et celle d’une visite médicale annuelle obligatoire avec contrôle de la vue, 71%[34]L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko . Or, contrairement une nouvelle fois aux clichés, ni l’âge en tant que tel, ni l’alcoolémie[35]Bilan des accidents et incidents de chasse – Saison 2017-2018, ONCFS , n’apparaissent en réalité comme des facteurs notables d’accidents à la chasse. Concernant l’âge, ce n’est pas le vieillissement qui est en cause ici, mais l’ancienneté de la date d’obtention du permis de chasser : souvenons-nous qu’avant 1976, il n’y avait ni formation ni examen, alors que la sécurité est aujourd’hui le point clé des formations et de l’obtention du permis de chasser[36]L’examen du permis de chasser, Fédération nationale des chasseurs . La réponse à ce problème ne réside dont pas dans l’exclusion des « vieux » chasseurs, mais dans la formation décennale de remise à niveau sécurité mise en place depuis la réforme de 2019.

L’amélioration de la perception de la chasse par les Français passera d’abord, quoi qu’il en soit, par la poursuite de l’amélioration de la sécurité et de la réduction du nombre d’accidents. Il s’agit moins aujourd’hui de renforcer une règlementation déjà solide, que de veiller à son respect par tous les chasseurs sans exception. Comme le soulignait Willy Schraen, président de la fédération nationale des chasseurs, lors de son audition par la mission sénatoriale sur la sécurisation de la chasse en février 2022[37]Sécurisation de la chasse : Willy Schraen auditionné au Sénat , c’est une question de renforcement des formations, mais aussi de contrôles de terrain par la police de la chasse. La « peur du gendarme » doit être un levier contre les brebis galeuses, ceux parmi nous qui ont des conduites à risque, et qu’il s’agit d’exclure, sans état d’âme.

Chasse et régulation: la question du gibier d’élevage


Sangliers d’élevage (enclos &parcs) dans les prélèvements totaux à la chasse (pleine nature, enclos & parcs) – données 2011-2012.

L’existence, bien réelle, d’élevage de gibier de chasse est manifestement un autre facteur important de rejet de celle-ci. Les lâchers de gibier, dans l’esprit de bon nombre de gens, mettent en cause « l’utilité » de la chasse censée être justifiée uniquement par les nécessités de « régulation » de la faune sauvage, même si la question est autrement plus nuancée et complexe[38]Chasse loisir ? plaisir ? superflue ? Chasse de régulation ? utile ? nécessaire ?, franc-aller.info, 27 mai 2022  : 77% des sondés souhaitent en effet l’interdiction d’élever du gibier destiné à être relâché pour la chasse, et 83% celle des fameuses, et très marginales, « chasse en enclos », selon l’Ipsos[39]L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko . On mesure là encore la difficulté à remettre les pendules à l’heure sur un autre sujet qui est l’objet de clichés bien ancrés, et d’une propagande anti-chasse acharnée : le fameux « lâcher de cocottes », tant décrié, ne représente en réalité de façon significative que 3 espèces sur 89 chassées en France[40]Pour en finir avec le gibier d’élevage, franc-aller.info, 16 août 2021 .

Même si nous n’avons jamais prétendu réguler le moindre faisan, canard ou perdreau, même s’il n’y a plus depuis longtemps de lâchers de grand gibier en pleine nature, il est certain que cette pratique entache l’image de la chasse. Tout faisan croisé au bord d’un chemin au printemps, alors qu’on est en dehors de la période de lâcher des faisans de tir et en pleine période de reproduction où les coqs, très intrépides, deviennent tout simplement beaucoup plus visibles, est illico dénoncé comme un pauvre animal d’élevage désemparé, incapable de survivre dans la nature. De même, le moindre fait-divers ayant trait à un élevage ou un lâcher clandestin de sangliers, aussi marginal cela soit-il, devient la preuve irréfutable que nous ne chasserions plus que du « cochonglier »[41]Pour en finir avec les cochongliers, franc-aller.info, 8 février 2021 . Mais surtout, beaucoup plus grave, la confusion est générale, dans l’esprit du public, entre les lâchers de gibier de tir et nos opérations de repeuplement, de reconstitution de populations naturelles de faisans et de perdrix qui, dans plusieurs années, permettront de mettre fin au gibier d’élevage.

L’état de conservation des espèces chassables

Un dernier point mérite d’être souligné ici : le sentiment que la chasse menacerait la « biodiversité » (quoi que ce terme galvaudé veuille dire dans l’esprit de beaucoup de gens). Selon l’Ipsos[42]L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko  :

  • 90% des sondés réclameraient l’interdiction de chasser les espèces en mauvais état de conservation (mais savent-ils combien nous en chassons, lesquelles et sous quelles conditions ?
  • 91% celle de chasser en période de reproduction (ce qui est en réalité déjà le cas)
  • 90% celle de chasser dans les espaces protégés (ce qui se détermine en réalité au cas par cas en fonction des territoires concernés).

Le quota maximum de prélèvements autorisés pour la tourterelle des bois, dans le cadre de la gestion adaptative de sa chasse, ne représente que moins de 1 % de la mortalité naturelle de cette espèce[43]Guide sur la chasse durable en application de la directive oiseaux, Union européenne, janvier 2009, PDF, 9.1 Mo .

Le discours devenu extrêmement agressif de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) en particulier, avec ses simplismes et ses outrances, est indéniablement très difficile à combattre. Face à ceux qui agitent l’idée d’un écocide massif et d’une chasse aveugle et sans mesure, comment faire entendre des notions complexes, telles que celles de mortalité additive et compensatoire, le fait qu’en dessous d’un seuil de 1% de la mortalité naturelle d’une espèce, les prélèvements de chasse ne pénalisent pas sa reproduction ? Comment faire lorsque les médias font leurs gros titres sur un arrêté préfectoral concernant l’ouverture de la chasse du tétras lyre et du lagopède alpin[44]Hautes-Alpes : autorisation de la chasse du Tétras Lyre et du Lagopède Alpin, oiseaux pourtant menacés, France 3, 25 mai 2022 , sans informer leurs lecteurs que cette ouverture ne sera en réalité décidée, ou non, qu’au cas par cas selon les territoires et selon le résultat de comptages estivaux permettant de déterminer si l’indice de reproduction de ces espèces le permet[45]Plan de gestion cynégétique des Hautes-Alpes, Galliformes de montagne , Préfecture des Hautes-Alpes, mai 2022, PDF, 1.6 Mo  ?

Pire, comment dissiper ne serait-ce que l’idée si répandue que la faune disparaîtrait à cause d’une prétendue déforestation en France, que cerfs et chevreuils seraient des espèces menacées, alors qu’ils n’ont jamais été aussi abondants[46]Trente ans de suivi du cerf en France (1985-2015), Faune Sauvage, ONCF, n° 314, 1er trimestre 2017 et que la forêt française n’a jamais été aussi étendue depuis deux siècles[47]15 000 ans d’histoire forestière, geoconfluences.ens-lyon.fr, PNG 393 Ko ) ? Comment faire entendre que ni le renard, ni le blaireau ne sont des espèces menacées, ni en déclin[48]La Liste rouge des espèces menacées en France, mammifères de France métropolitaine (2017), rapport d’évaluation, UICN, 2017, PDF, 9.9 Mo  ? Que la fameuse liste rouge des espèces menacées est un instrument scientifique complexe et que la présence d’une espèce dans celle-ci ne signifie pas nécessairement qu’elle est en déclin, ou menacée ? Que les statuts de protection des espèces déterminés par la Convention de Berne, les directives européennes Oiseaux et Habitats sont également plus complexe que beaucoup ne le savent, et que nous ne chassons en réalité en France aucune espèce protégée dont le statut de protection en interdirait la chasse ? Face à certains discours catastrophistes, approximatifs et abusivement généralisateurs, comment dissiper tant de malentendus sur des sujets où la controverse scientifique est particulièrement complexe[49]Le délicat calcul du déclin des vertébrés, Perrine Mouterde, Le Monde, 15 décembre 2020  ?

La chasse française et ses institutions se doivent d’être, dans ce domaine, irréprochable et d’une parfaite rigueur. Si nous avons pu nous accommoder de certains arrangements avec l’état de la question sur le niveau de conservation de telle ou telle espèce par le passé, si la tentation existe encore, nous devons être conscients que nous ne gagnerons pas la bataille de l’opinion en nous exposant encore à de telles critiques. Ce travers ne fera que démultiplier l’effet délétère du discours anti-chasse à propos des quelques espèces effectivement en déclin dont la chasse est une question complexe et délicate.

En guise de conclusion provisoire

Que conclure ? Les avis exprimés à travers ces sondages sont, on le voit, bien plus nuancés que les activistes anti-chasse ne veulent bien le reconnaître et le dire. Si nous ne sommes pas sans torts ni défauts, la méconnaissance à l’égard de la chasse, mais aussi de nombreuses notions d’écologie scientifique, vient considérablement brouiller les choses. Il est remarquable également de lire que 70% des personnes interrogées, loin d’opposer chasse et préservation de la biodiversité, jugent que les chasseurs devraient expliquer et communiquer davantage sur leurs pratiques et leurs actions et que 86% souhaitent que les associations de chasseurs et les associations de protection de la nature agissent plus souvent ensemble pour la défense de la nature[50]Le rapport des Français à la chasse et aux chasseurs, Ifop pour la Fédération nationale des chasseurs, février 2021, PDF, 1.4 Mo. . Si seulement c’était aussi facile à dire qu’à faire, hélas…

N.B. : On me signale dans l’oreillette que je n’ai pas abordé la fameuse question du rejet des « pratiques cruelles » (sic). Elle fera l’objet d’un prochain article…

Notes & références

Notes & références
1, 3, 12, 14, 21, 50 Le rapport des Français à la chasse et aux chasseurs, Ifop pour la Fédération nationale des chasseurs, février 2021, PDF, 1.4 Mo.
2, 13, 15, 20, 22, 25, 27, 34, 39, 42 L’opinion des français à l’égard de la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, septembre 2021, PDF, 840 Ko
4 80% des français contre la chasse: un physicien propose une toute autre vision des choses !, chassons.com, 28 juillet 2020
5 La chasse à courre en chiffres, Société de Vénerie
6, 17 Les Français et la condition animale, Ifop pour la Fondation Brigitte Bardot, août 2020, PDF, 1.2 Mo,
7, 16 Livre blanc de la vénerie, Société de vénerie, 2011, PDF, 22.6 Mo
8 Les Français rejettent massivement la chasse, Ipsos pour One Voice Animal, оctobre 2018
9 Déterreurs de blaireaux, Pierre Rigaux, 2020
10 @onevoiceanimal sur Twitter, 16 juin 2020
11 Nos détracteurs, AFEVST
18, 19 La chasse, coeur de biodiversité, Fédération nationale des chasseurs, septembre 2020
23, 24 Bilan des accidents et incidents de chasse – Saison 2020-2021, OFB
26 L’adhésion à l’interdiction de la chasse les week-end et pendant les vacances, Ifop pour le Journal du Dimanche, novembre 2021
28 Le dimanche sans chasse national ? Mauvaise réponse et vraie question, franc-aller.info, 11 juin 2021
29 Accidents de chasse mortels : la série noire, La Dépêche du Midi, 24 novembre 2020
30 Bilan des accidents et incidents de chasse – Saison 2019-2020, OFB
31 Décès traumatiques en pratique sportive en France métropolitaine en 2017 et 2018. Résultats d’un recueil de données à partir des médias accessibles sur Internet, santepubliquefrance.fr, 24 janvier 2020. On a objecté à ce constat le fait qu’il y a beaucoup de pratiquants des autres disciplines sportives que de chasseurs, et que la comparaison était donc faussée. C’est oublier qu’il n’y a jamais eu plus de 2 millions de chasseurs en France à l’époque où ils ont été les plus nombreux, et que notre activité n’a certainement pas vocation à être pratiquée par des millions de gens. Dans le même ordre d’idée, le fait qu’un accident de chasse soit causé par une personne sur une autre personne (si l’on exclu les auto-accidents) ne change rien en termes de mesure du risque…
32 La nouvelle campagne de la Fondation Brigitte Bardot fâche les chasseurs, France 3, 21 avril 2021
33 La forêt, un levier pour le développement touristique, ONF, février 2019
35 Bilan des accidents et incidents de chasse – Saison 2017-2018, ONCFS
36 L’examen du permis de chasser, Fédération nationale des chasseurs
37 Sécurisation de la chasse : Willy Schraen auditionné au Sénat
38 Chasse loisir ? plaisir ? superflue ? Chasse de régulation ? utile ? nécessaire ?, franc-aller.info, 27 mai 2022
40 Pour en finir avec le gibier d’élevage, franc-aller.info, 16 août 2021
41 Pour en finir avec les cochongliers, franc-aller.info, 8 février 2021
43 Guide sur la chasse durable en application de la directive oiseaux, Union européenne, janvier 2009, PDF, 9.1 Mo
44 Hautes-Alpes : autorisation de la chasse du Tétras Lyre et du Lagopède Alpin, oiseaux pourtant menacés, France 3, 25 mai 2022
45 Plan de gestion cynégétique des Hautes-Alpes, Galliformes de montagne , Préfecture des Hautes-Alpes, mai 2022, PDF, 1.6 Mo
46 Trente ans de suivi du cerf en France (1985-2015), Faune Sauvage, ONCF, n° 314, 1er trimestre 2017
47 15 000 ans d’histoire forestière, geoconfluences.ens-lyon.fr, PNG 393 Ko
48 La Liste rouge des espèces menacées en France, mammifères de France métropolitaine (2017), rapport d’évaluation, UICN, 2017, PDF, 9.9 Mo
49 Le délicat calcul du déclin des vertébrés, Perrine Mouterde, Le Monde, 15 décembre 2020

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