Les chasseurs et E. Macron — Réponse à un torchon d’extrême gauche

Sommaire

[Article mis à jour le 23 août 2022] (il continuera de l’être au fil des nouvelles informations disponibles)

Un de ces « collectifs » de gamins d’extrême-gauche a vomi un n-ième torchon anti-capitalisme-dont-ils-sont-les-adulescents, cette fois consacré à la chasse[1]Macron arrose ses amis chasseurs d’argent public : 11 millions d’euros en 2021, Contre-Attaque, 17 août 2022 . On m’a accusé de le critiquer sans l’avoir lu. Eh bien soit. Lisons-le. Ligne à ligne. Aussi indigeste soit-il.

Les accidents de chasse

La chose commence par un mensonge indigne, qui plus est d’une stupidité sans nom. Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, aurait manifesté à l’automne 2021, en réaction à un accident de chasse particulièrement dramatique, son mépris des victimes « civiles » d’accidents de chasse, les non-chasseurs :

30 octobre 2021, Joël, 67 ans, roule dans sa voiture entre Nantes et Rennes. Il reçoit une cartouche de 9,3 mm dans la gorge. Il meurt quelques jours plus tard à cause du tir d’un chasseur. Willy Schraen, patron de la Fédération des Chasseurs, assène dans les médias sans la moindre empathie : «Le risque zéro n’existe pas, c’est comme ça»

Voici quelques extraits du véritable message qu’a publiquement adressé Willy Schraen aux chasseurs de France après ce drame inacceptable[2]Vidéo complète sur le compte Facebook de la FNC, 10 novembre 2021  :

Comme on le constate immédiatement dans cette intervention, Willy Schraen ne se réfugie en rien derrière un quelconque « fatalité » ou absence de « risque zéro », qui nous dédouanerait de nos responsabilité en matière de sécurité à la chasse. Il n’a, à ma connaissance, jamais esquivé ou minimisé celles-ci, ni notre obligation la plus impérieuse de tout faire pour éviter les accidents. Ajoutons, s’il faut être encore plus clair, cette autre déclaration, après le décès dramatique d’une promeneuse en février 2022[3]Décès tragique d’une randonneuse lors d’une battue: la réaction de Willy Schraen,chassons.com, 20 février 2022  :

L’enquête en cours déterminera de toute façon les responsabilités. Mais devant la gravité d’un tel accident, je souhaite vous communiquer certaines réflexions qui s’imposent à nous. En premier lieu, les services de la FNC sont en train de contacter toutes les fédérations de Chasseurs, pour qu’il soit rappelé à chaque organisateur de battue l’ensemble des règles de sécurité propre à toute pratique de chasse. Dans les heures qui viennent, je demanderai au Président de l’Alliance des Sports et loisirs de nature de réunir dès le début de la semaine prochaine l’ensemble des fédérations de Nature pour rappeler les dispositifs de sécurité sur lesquelles nous travaillons ensemble depuis plus de deux ans.

Pour finir, je lance un appel pour que chaque chasseur de France prenne bien sûr toute la mesure du drame qui vient de se produire. Sans attendre les résultats de l’enquête, je veux vous dire que Rien ne peut justifier, même de façon accidentelle, la mort d’une personne. Je vous rappelle que nous utilisons des armes létales, et que chacun dans son utilisation doit être irréprochable. Je compte sur chacun d’entre vous pour redoubler de prudence. Ne pas tirer dans une situation où le moindre doute ou le moindre risque persistent , doit être l’unique conduite à tenir lors d’une action de chasse. Enfin, je vous demande d’exclure de vos chasses toute personne qui n’aurait pas une conduite sécuritaire parfaite lors de la pratique de notre passion. Il en va de notre avenir collectif.

Sur le fond de cette question cruciale de la sécurité à la chasse, l’extrême-gauche ne fait ici qu’emboîter le pas aux fanatiques animalistes et antispécistes, qui ignorent, volontairement ou par incompétence, toute l’entreprise de sécurisation menée depuis 20 ans (formation initiale et continue, règlementation, répression des comportements à risque)[4]Sécurité à la #chasse: avant de parler renforcement de la règlementation ou autre, il faut déjà connaître l’existant,@FrancAller_info, thread Twitter, 15 juillet 2022 , et ses acquis indéniables :

Baisse de 41% du nombre total d’accidents de chasse entre 1999 et la saison 2019-2020 (sans compter la saison 2020-2021 réduite par le confinement)[5]Bilan des accidents et incidents de chasse – Saison 2020-2021, OFB
Baisse de 71% des accidents de chasse mortels entre 1999 et la saison 2019-2020[6]Bilan des accidents et incidents de chasse – Saison 2020-2021, OFB

Et enfin, tout de même, s’il faut verser dans le cynisme, comment peut-on être imbécile au point de prétendre que nous, chasseurs, serions indifférents aux accidents de chasse quand, tout simplement, nous en sommes nous-mêmes les principales victimes ?

Les victimes d’accidents de chasse, chasseurs et non-chasseurs.

La cohabitation des usages de la nature

La manipulation par la caricature se poursuit derechef sur la question de la cohabitation des usages des espaces naturels :

À propos des promeneurs tués par des chasseurs, il déclare également : «Pour éviter les accidents, ils n’ont qu’à le faire chez eux. La nature n’est pas à tout le monde».

Ces propos ont en réalité été prononcé bien tard, en mai 2022, dans un tout autre contexte. Où Willy Schraen a sans doute eu tort d’accepter d’aborder en quelques dizaines de secondes de télé-spectacle un sujet pour le moins complexe. Toujours est-il qu’il s’en est expliqué dès le lendemain, de façon on ne peut plus claire[7]« La nature n’appartient pas à tout le monde »: après la polémique, les explications de Willy Schraen, rmc.bfmtv.com/, 10 mai 2022  :

Il y a des gens qui racontent partout que la nature est à tout le monde, c’est une première erreur majeure. Dès que vous arrivez à la campagne, vous regardez les territoires autour de vous, que ce soit de la forêt, de la plaine agricole ou bien des champs, tout ça, c’est privé. Donc, à partir de là, il y a un minimum de respect pour les gens qui sont propriétaires de ces territoires. Ce que je disais, c’est que ces problèmes de voisinage, on ne les connaissait pas il y a 10 ans. Aujourd’hui il y a une forme de violence chez les gens. ‘Moi, je ne suis pas chasseur, je ne veux pas que vous chassiez, je ne mange pas de viande, je ne veux pas que tu en manges’. J’ai dit que nous les chasseurs, on est chez nous on chasse et le minimum est qu’on nous respecte sur ces territoires. Et il y a des endroits publics.

Il y a des gens qui chassent, des gens qui cueillent des champignons, des gens qui se promènent, d’autres qui font du vélo… Est-ce qu’on ne peut pas simplement, plutôt que d’exacerber cette violence sur les territoires, s’accepter comme on est. Les chasseurs, ça chasse en moyenne 15 jours par an. Il y en a 365 dans une année. Vous n’allez quand même pas me dire que pour une quinzaine de jours de chasse il n’y a pas moyen de s’entendre.

Ni Willy Schraen, ni la FNC, ni plus généralement les chasseurs ne prétendent s’approprier les espaces naturels. Et cette supposée appropriation est en réalité une vaste farce, comme le montre bien cet exemple donné par la fédération des chasseurs d’Isère, chiffres en main :

Face à ceux qui prétendent à tort que « la nature est à tout le monde », il est plus que temps de revenir à la raison. Les forêts et autres appartiennent d’abord à leurs propriétaires, qui y exercent ou louent le droit de chasse, ce qui fait des chasseurs des ayants-droits. Ce qui n’empêche aucunement que la chasse y cohabite avec d’autres usages et avec les promeneurs, cavaliers, VTTistes, etc. dès lors que chacun est prêt à accepter les solutions appropriées qui ne manquent pas, comme nous l’avions évoqué ici : La forêt est-elle à tout le monde ? Non, mais nous pouvons la partager, avec mesure.

Ce que nos révoltés du fast-food se gardent bien de dire, surtout, c’est qu’à l’initiative de Willy Schraen, la Fédération nationale des chasseurs est à présent engagée dans des partenariats avec les grandes associations d’usagers de la nature, Fédérations françaises de la Randonnée pédestre, de Cyclotourisme, de Course d’Orientation, d’Équitation, d’Athlétisme, de VTT, de Montagne et d’Escalade, Mountain Bikers Foundation… Pour travailler ensemble à la cohabitation de nos pratiques[8]Chasseurs et usagers de la nature réunis pour travailler avec pragmatisme à une meilleure cohabitation dans les espaces naturels, Fédération nationale des chasseurs, 13 juin 2022  :

Que déclarait Willy Schraen, déjà, en , sur ce sujet des usages de la nature, lors d’une rencontre avec toutes ces associations ? Ah, oui[9]Chasseurs et usagers de la nature réunis pour travailler avec pragmatisme à une meilleure cohabitation dans les espaces naturels, Fédération nationale des chasseurs, 16 juin 2020  :

Je refuse d’accepter ce climat de tension qu’hélas je constate. Nous voulons travailler ensemble pour qu’il y ait plus de bonjours que de noms d’oiseaux sur le terrain entre les pratiquants des différents sports et activités de pleine nature.

S’il faut à tout prix jouer au petit jeu des petites phrases, hein…

Bien-être et « conscience » animale

On rebondit avec un nouveau propos à l’emporte-pièce de Willy Schraen, dont la maladresse n’engage cette fois que lui, mais qui est encore une fois isolé, sorti de son contexte :

Quelques mois plus tard, Willy Schraen affirme, toujours dans les médias : «Qu’est-ce que c’est que le bien-être animal ? Un animal, il peut se reproduire et il peut manger, c’est tout»

On se demandera en vain ce que la question scientifique d’une possible « conscience animale » et de sa nature vient faire ici, dans un article censé être consacré à la question des subventions publiques à la chasse. Est-on en train de documenter une question et d’argumenter, ou bien s’agit-il juste d’un troll où on fait feu de tout et n’importe quoi ? Peut-on prendre cela au sérieux ?

Mais soit, puisque cette question de la conscience animale est mentionnée : elle est, quoi qu’il en soit de l’avis de Willy Schraen, bien trop complexe pour être traitée ainsi en quelques secondes d’échanges télévisés. On peut, et c’est mon cas, juger ces propos, qui semblent renvoyer à la vision obsolète de l’animal-machine, caricaturaux et malavisés. Mais encore faut-il avoir l’honnêteté de prêter au moins attention à l’ensemble de l’échange :

« Vous me parlez d’émotion, ce n’est pas de l’émotion, ni de l’empathie, ni de la sensibilité » : si les termes employés sont inappropriés, ils rejoignent la critique majeure que l’on doit opposer à l’anthropomorphisation pseudo-scientifique de l’animal[10]Jean-Pierre Digard, L’Animalisme est un anti-humanisme, Paris, CNRS Éd., 2018 , devenue hélas si courante aujourd’hui. Certes, contrairement à ce que semble dire Willy Schraen, les éthologues ont montré qu’on observe chez certains animaux au moins ce qu’on interprète comme des émotions : peur, stress, plaisir, parfois peut-être empathie envers un congénère (beaucoup plus délicate à déterminer). Mais il ne s’agit pas pour autant de verser dans la surinterprétation et de conclure que l’émotion serait la preuve d’une « conscience », et moins encore d’une conscience similaire à la nôtre. Nous ne savons pas aller au-delà du constat de l’émotion.

Le réchauffement climatique

Venons-en à la petite phrase suivante, car ce n’est pas fini (quand on a que cela pour critiquer, comment dire ? Bref) :

En juin 2021, le chef des chasseurs français se vautre carrément dans le négationnisme climatique sur la chaîne RMC : «Il va faire chaud pendant trois jours, bizarre, entre le premier et le deuxième tour. On nous explique du matin au soir depuis deux jours attention l’écologie machin… Dites-le carrément au niveau de la météo, votez la NUPES. On a bien compris on est pas débile». La canicule serait un complot pour faire perdre Macron ? C’est l’analyse du patron des chasseurs.

C’était encore une fois aussi maladroit qu’improductif de la part de notre représentant national. Et non « chef des chasseurs », tout d’abord : Willy Schraen est un représentant des fédérations départementales auprès des pouvoirs publics au niveau national, et auprès des institutions européennes et internationales, mais pas plus. Il ne commande pas, et surtout pas les opinions des chasseurs. Cela étant rappelé, il ne faut pas être grand clerc pour entendre que, dans cette déclaration, c’est l’instrumentalisation de la canicule et plus largement de la question du réchauffement climatique par l’extrême-gauche « écologiste » que dénonce Willy Schraen. Et non la réalité du réchauffement climatique. Mais quand on trolle, la nuance, n’est-ce pas…

On m’expliquera, sinon, comment une Fédération nationale des chasseurs « climato-sceptique » pourrait-elle méconnaître la réalité du réchauffement climatique et de ses effets, quand elle est la première confrontée, entre autres exemples évidents, à son rôle dans un de ses problèmes majeurs, l’explosion démographique du sanglier[11]Dégâts de gibier, fédération nationale des chasseurs, 25 novembre 2020

Plusieurs facteurs externes à la chasse expliquent cette dynamique forte de la population de sanglier. Ainsi le réchauffement climatique induit une baisse de mortalités des jeunes en hiver avec la diminution du nombre de jours avec de fortes gelées et/ou de neige ; Le retour de bonnes années en termes de fructifications apporte une nourriture abondante au sanglier, facilitant ainsi la reproduction. Les taux de reproduction progressant, la dynamique générale ne peut être qu’à la hausse d’autant plus que, dans un grand nombre de secteurs, les populations de sangliers bénéficient de nombreuses cultures agricoles leur apportant à la fois nourriture et refuge, tout au long de l’année.

Les Gilets Jaunes

Mais voilà qu’on change tout à coup de sujet, sautant du coq à l’âne dans ce ramassis de trolls. Comment être surpris de voir l’extrême-gauche s’en prendre à la prise de position sans ambages de Willy Schraen, en décembre 2018, face à la dérive du mouvement des Gilets Jaunes ?

Macron et le patron des chasseurs passent un accord au début du mouvement des Gilets Jaunes : la fédération appelle à boycotter le mouvement des ronds-points.

Je dis bien la dérive, que Willy Schraen a clairement et justement dénoncé comme telle, sans nier la légitimité des protestations initiales contre certaines mesures que voulaient alors imposer les écologistes. Il suffit ici de revenir, une fois de plus, à ses propos exacts[12]Lettre ouverte aux chasseurs, Fédération départementales des chasseurs du Var, 6 décembre 2018  :

Soyons clairs, les 80km/h du premier ministre, et les taxes écologiques de Hulot, ont fini ce travail de colère montante, en une explosion populaire légitime. Oui je suis pour un changement radical, parce que tout comme vous, je m’intéresse d’abord à la fin du mois, avant de m’occuper de la fin du monde. Je ne supporte plus tous ces écolos bobos qui nous donnent des leçons de savoir-vivre environnemental en nous faisant les poches du matin au soir, comme je ne supporte plus non plus tous ces faux-culs de politiques extrémistes et populistes de droite et de gauche qui sont en train de se servir de ce mouvement pacifiste pour accéder à leur rêve révolutionnaire !

Parce que nous en sommes là ! La France entre dans une phase insurrectionnelle sans précédent, et on est en train de servir la soupe politique à des personnes qui n’ont rien à voir avec les problèmes des ruraux. Depuis quelques heures, les revendications n’ont plus rien à voir avec le mouvement initial. On veut désormais faire tomber l’Etat et la République ! Mais que va-t-il sortir de ce merdier pour les ruraux et les chasseurs que nous sommes. Sûrement comme souvent dans ces cas-là, un grand gourou à la sauce Mélenchon qui, rassurez-vous, n’en a rien à faire des ruraux et encore moins des chasseurs. Ce sont bien ces mêmes politiques qui veulent nous prendre la chasse du dimanche, des jours fériés et des vacances pour aller au bout de leur extrémisme écologique. C’est bien les mêmes Brigitte Bardot et compagnie qui disent qu’on a qu’à faire payer les chasseurs pour éponger la taxe écologique sur les carburants ! C’est bien les mêmes gauchos écolos d’AVA qui sont désormais soutenus à visage découvert par des députés de la France insoumise.

Je ne suis peut-être plus à ma place à travers ces quelques lignes, mais je peux déjà vous prévenir que du néant, ce n’est pas nous qui sortirons grandis !

Beaucoup se taisent, beaucoup attendent en espérant sortir les bénéfices politiques de tout cela, moi je dis que les vrais ruraux et les chasseurs que vous êtes n’ont rien à faire dans cette guerre civile qui se prépare. Ne soyez pas manipulés pour des causes qui sont contraires à nos intérêts, et qui demain sonneront le glas de nos espoirs.

Willy Schraen a eu la lucidité, comme de plus en plus de Français au fil des mois qui ont suivi, de voir que ce mouvement des Gilets Jaunes, récupéré par l’extrême-gauche, partait en gesticulations pseudo-révolutionnaires. On comprend que cela déplaise à nos sans-culottes courtes. Quelle déception de ne pas avoir été rejoint en masse par les Français. Et d’avoir été une déconfiture inexorable, mois après mois, manifestation après manifestation, finissant par ne plus susciter qu’un désintérêt lassé.

L’engagement politique de la FNC

Cette fois, le sujet est certainement plus délicat. Willy Schraen a en effet choisi de rompre avec la règle de neutralité politique qui s’imposait depuis des années à la Fédération nationale des chasseurs et à son président, en s’engageant publiquement en tant que président de la FNC en faveur d’Emmanuel Macron, à plusieurs reprises, lors d’échéances électorales.

En échange, le gouvernement fait de gros cadeaux aux chasseurs. Aux Élections Européennes, la Fédération soutient En Marche.

Un choix qui est loin de faire l’unanimité chez les chasseurs : de l’avis général, les institutions de la chasse, nationales ou départementales, n’ont pas à prendre position dans l’arène politique.

Mais avant tout, ce n’est pas pour autant que Willy Schraen serait « la chasse », ni « les chasseurs. » Souvenons-nous que l’électorat des chasseurs est tout sauf monolithique. Et encore moins aux ordres de son président. Les instituts de sondage ont bien étudié ce vote « chasse »[13]Les chasseurs : un électorat très courtisé, IFOP, mars 2017 . Sa composante historiquement communiste, dont bénéficie sans doute Jean-Luc Mélenchon. Son net penchant à droite et à l’extrême-droite, poussant un peu plus cette caractéristique du vote rural. Mais, autant qu’on le sache, nous n’avons jamais été massivement « macronistes », en réalité (si tant est que ce serait un crime, plutôt qu’un choix discutable. Passons).


Vote des chasseurs lors du premier tour de l’élection présidentielle en 2012

Vote des chasseurs lors du premier tour de l’élection présidentielle en 2017

Il est indéniable en revanche qu’Emmanuel Macron n’a cessé de multiplier les promesses aux chasseurs, depuis son discours à l’assemblée générale de la FNC en mars 2017…

…jusqu’à sa lettre de Père Noël aux fédérations départementales avant le second scrutin présidentiel d’avril 2022[14]Lettre d’Emmanuel Macron aux présidents des fédérations départementales des chasseurs, 6 avril 2022 , où il nous promet cette fois monts et merveille :

  • Venir enfin à bout de l’impasse actuelle du système historique d’indemnisation des dégâts agricoles du grand gibier, conçu à une époque (1969 !) où l’explosion démographique du sanglier et la multiplication des zones de non-chasse (entre-autres) étaient inimaginables. Nous sommes devant le mur, là. Nous allons voir dans les tout prochains mois…
  • Rouvrir les chasses traditionnelles régionales suspendues par le Conseil d’État avec la complicité passive du ministère de l’écologie en 2021
  • Céder aux sirènes de la FNC sur une future police rurale de proximité en partenariat entre fédérations des chasseurs et communes rurales… dont on se demande bien pourquoi elle serait appuyée sur les agents des fédérations (enfin, celles qui en ont) plutôt que sur les gardes champêtres, par exemple.
  • Chasser l’oie cendrée en février, en quantité très limitée… non, ça, c’est foutu. Cela relève de conventions internationales qui avancent, doucement, mais qui échappent totalement à l’omnipotence de notre Jupiter macronien.

Mais qu’en est-il en réalité ? Les chasseurs, qui sont des gens de terrain, pragmatiques et jugeant sur pièce, sont-ils dupes de ces promesses (qui, comme on sait, n’engagent que ceux qui y croient) ?

Des « cadeaux » d’E. Macron… à la réalité

Les désormais fameux « cadeaux aux chasseurs » d’Emmanuel Macron sont devenus depuis le début de son premier quinquennat un authentique marronnier journalistique, quasi inusable. Avec le non moins fameux « pacte de Chambord » signé, au bas mot, avec le sang des sangliers abattus ce jour-là. Un sujet d’importance, digne de Voici[15]Emmanuel Macron : tous les détails de la fête de ses 40 ans au château de Chambord, Voici, 16 décembre 2017 , et de la littérature de quai de gare[16]Macron, les chasseurs et le « pacte de Chambord », Paris-Match, 29 octobre 2019 .


La fugitive apparition d’Emmanuel Macron lors d’un tableau de chasse à Chambord, en décembre 2017. Un image, rien qu’une image, source de tous les fantasmes.

Soyons sérieux : c’était un geste aussi politique que symbolique, mais surtout dérisoire. Un « coup » amusant, que la FNC a révélé avec gourmandise. Qui ne dit rien de la gestion de la chasse et des nombreuses questions dont nous parlons ici.

Faut-il préciser, tant qu’on y est, que contrairement à une légende urbaine bien ancrée sur les réseaux sociaux, l’idée de rétablir les fameuses « chasses présidentielles », purement électoraliste et agitée par Emmanuel Macron avant l’élection de 2017, n’a jamais eu de suite ? Ce n’était pas idiot, notamment comme instrument diplomatique, le prestige cynégétique de la France étant immense. Mais cette époque est passée et bien passée, au moins depuis Claude Chirac, conseillère communication écolo d’un président-papa pour qui les chasseurs étaient essentiellement des emm***.

Bref, si l’on chasse encore à Chambord en effet, c’est d’abord par nécessité dans le plus vaste domaine forestier clos d’Europe où on ne peut pas laisser le grand gibier se reproduire sans contrôle. Et si le Domaine (et non un bureau élyséen des chasses présidentielles comme autrefois) y invite encore en effet, tour à tour, les jeunes chasseurs les plus méritants selon leur score à l’examen du permis de chasser, et quelques députés ou sénateurs qui paient leur journée de chasse… est-ce si important, tout simplement ? N’avons-nous aucune question plus importante à traiter ?

Les cadeaux aux chasseurs d’E. Macron depuis 2017 ?


La défense des chasses traditionnelles régionales par M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et ministre de tutelle de la chasse.
Édifiant[17]Les représentants du Collectif Glu se sont entretenus avec le Ministre de la Transition Ecologique Christophe Béchu, chassons.com, 1à août 2022
  • Trois espèces chassables encore perdues (Courlis Cendré, Barge à queue noire, et surtout Tourterelle des bois) faute de réponse au diktat de la commission européenne, et de défense, par le ministère de l’écologie, ministère de tutelle de la chasse, de ses propres arrêtés réglementant la chasse extrêmement mesurée de cette espèce).
  • Le quasi-échec de l’initiative de gestion adaptative de la chasse des espèces en déclin, face à l’opposition frontale de la LPO en particulier (le dispositif en l’état était loin d’être parfait, mais il était au moins perfectible. À condition de jouer le jeu au lieu de faire obstruction par idéologie.
  • Cinq modes de chasses traditionnels régionaux, qui ne constituent en rien une menace pour la biodiversité tant elles sont réglementées et limitées, qui sont condamnés (glu, pantes, matoles, tenderie aux lac, tenderie aux filets). Ne soyons pas dupe de l’agitation en cours cet été sur certaines, qui relève du faux-semblant. Le tout nouveau ministre de l’écologie, Christophe Béchu, n’est, figurez-vous, même pas au fait de la question[18]Les représentants du Collectif Glu se sont entretenus avec le Ministre de la Transition Ecologique Christophe Béchu, chassons.com, 1à août 2022
  • Après le Hulot fugace, Barbara Pompili, une ministre de la Transition écologique certes un peu bridée côté législatif par l’Élysée, mais à l’agenda anti-chasse déterminé. Elle nous a notamment laissé en cadeau d’adieu un moratoire de la chasse sur le Grand Tétras imposé par le Conseil d’État… là encore, faute d’avoir défendu ses propres arrêtés encadrant strictement cette chasse. Un moratoire de 5 ans imposé à une chasse qui, comme cela a été le cas en 2021, s’auto-suspend quand le suivi de l’espèce indique que les indices de reproduction de l’espèce sont insuffisants…
  • L’approbation d’une règlementation européenne sur les munitions de chasse au plomb littéralement conçue par la Commission européenne pour tuer la chasse, en imposant des délais d’application intenables (le principe de passer aux munitions sans plomb est acquis, ce n’est pas la question)[19]Le Plomb : changement des règles européennes à compter du 15 février 2023, Fédération nationale des chasseurs, 17 avril 2021 .
    La FNC a travaillé sur l’impact économique de cette interdiction d’utilisation et de détention du plomb dans les munitions de chasse. Cela concerne a minima 650 000 chasseurs directement impactés en France. Les armes détenues, à raison d’une moyenne de 2 par chasseur, deviendront tout simplement inutilisables car leur transformation est quasi impossible. En effet, seules deux entreprises en Europe sont en mesure de traiter ce type de demande. L’achat d’une nouvelle arme obligera les chasseurs à consacrer un budget moyen de 1 000 à 1 500 euros pour une seule arme. En moyenne, au plan national, le coût de remplacement des armes de chasse est estimé entre 650 millions et 975 millions d’euros.
    Notons que nos farouches libertaires experts ès-chasse sont tellement au courant de ces questions qu’ils ne peuvent s’empêcher, un peu plus loin dans leur billet, d’enfoncer les portes ouvertes là où personne ne les a pas attendu pour préparer la fin du plomb de chasse…
    La chasse est aussi très polluante : 30 à 40000 tonnes de plomb intoxiquent l’écosystème en Europe, pour l’immense majorité à cause de cartouches de fusils de chasse. Une pollution de masse, majoritairement concentrée en France.

D’un autre côté, bien-sûr, il y a ce que nous avons obtenu du gouvernement et du Parlement en juillet 2019, mais en contrepartie de cette fusion de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) avec l’Agence française pour la biodiversité (AFB) dans le nouvel Office français pour la biodiversité (OFB). Où nous sommes passés, en termes de gouvernance, de la parité au conseil d’administration à… une représentation réduite à 10% des sièges, chasseurs et pêcheurs réunis. Une situation qui peut être lourde de risques pour l’avenir, et que ne compense que très partiellement ce que nous avons obtenu :

  • Transfert de la gestion des plans de chasse des préfectures aux fédérations départementales des chasseurs
  • Transfert de la gestion des Associations communales de chasse agréée (ACCA) aux fédérations
  • Création du fond biodiversité abondé pour un tiers par les chasseurs (5 euro par permis de chasser, l’éco-contribution) et les deux autres tiers par l’État, pour financer des projets portés par les fédérations des chasseurs pour la protection de la biodiversité[20]Éco-contribution des chasseurs, Fédération nationale des chasseurs . Les premiers financements de projet n’ont pas été parfaits, certes : l’obligation d’utiliser la totalité du fond chaque année et le nombre insuffisant de projets au lancement ont conduit à des choix qui ont pu être critiqués, à juste titre, par le conseil scientifique de l’OFB[21]Avis du Conseil scientifique de l’OFB sur l’éco-contribution, OFB, 18 novembre 2021 . Des mesures ont été prises pour améliorer le dispositif, il conviendra de le juger lorsqu’il sera rodé.

Enfin, il y a la fameuse réduction de moitié du prix du permis de chasser… qui n’est en fait pas tout à fait cela. Il ne s’agit pas de l’acquisition initiale du permis (frais de formation et d’examen) mais de la redevance payée lors de sa validation annuelle, exigée pour pouvoir chasser. La réforme faisant passer celle-ci de 400 à 200 euros n’a concerné que la validation dite nationale (permettant de chasser sur tout le territoire métropolitain) et non la validation départementale. Elle ne concernait donc que moins de 10% des permis. Cette réforme a permis de rééquilibrer la balance entre permis départementaux et nationaux, ceux-ci étant à présent à hauteur de 40% des chasseurs, favorisant ainsi leur mobilité, ce qui n’est pas sans intérêt pour lutter contre les dégâts du grand gibier et contribuer à faire vivre l’économie locale (tourisme de chasse).

Cette réforme a privé l’OFB de 21 millions d’euros annuel de contributions des chasseurs. Mais c’est le gouvernement qui a fait le choix d’une fusion de l’ONCFS et de l’AFB à budgets équivalents, et celui de recourir massivement aux Agence de l’eau pour son financement. Et surtout, la plus grande partie de cette somme (180 euros par permis) correspondait à une redevance finançant l’indemnisation des dégâts agricoles du grand gibier initialement gérée par l’ONCFS, mais transférée aux fédérations départementales en 2000 (loi Voynet). La charge de l’indemnisation est alors passée aux fédérations, mais la redevance annuelle payée à l’Office, elle, est restée[22]Le « cadeau » d’Emmanuel Macron aux chasseurs en est-il vraiment un ?, Capital, 13 avril 2018

Ce cliché des « cadeaux » d’Emmanuel Macron est donc au moins à nuancer. Il s’agit pour une part de contreparties légitime à une réforme de l’ONCFS lourde de menaces pour la gouvernance de l’Office, que les chasseurs avaient à juste titre refusé sous le quinquennat Hollande. Pour une autre, de la reconnaissance de notre rôle devenu majeur dans la préservation de la biodiversité. Une reconnaissance essentielle pour l’ancrage de la chasse dans ses missions d’intérêt général, mais à vrai dire symbolique financièrement si l’on compare l’éco-contribution (10 millions à la charge de l’État) à ce que nous apportons nous-mêmes par ailleurs dans ce domaine, à hauteur de 360 millions d’euros par an[23]Evaluation du service écosystémique chasse en 2015, BIPE, 20 novembre 2016  :


Les actions d’aménagement des milieux et de gestion des populations animales et végétales par les chasseurs représentent un service rendu de 360 millions d’euros par an.

Il convient enfin de mettre en balance les espèces devenues non-chassables et les faux-semblant du soutien affiché d’Emmanuel Macron aux chasses traditionnelles régionales, en large partie sous la pression de la commission européenne avec la complaisance d’une ministre de la chasse… anti-chasse. Ainsi que la gestion par le gouvernement du dossier plomb là encore à Bruxelles. Emmanuel Macron l’avait laissé sous-entendre dès son discours aux chasseurs de 2017 : son soutien à la chasse s’arrête là où ses intérêts européens commencent.

La fausse vraie bonne idée des agents des fédérations, police rurale de proximité

Dans cet inventaire à la Prévert des gesticulations de nos amis gauchistes, revenons à Willy Schraen, qui occupe décidément beaucoup leurs esprits. Son idée d’une police rurale de proximité dont le noyau serait les agents de développement (gardes) des fédérations départementales des chasseurs ne date pas d’hier. Elle a, pour tout dire, déjà fait un flop total lors des discussion qui ont mené à la loi sur l’OFB et la chasse de juillet 2019. Convaincu de la pertinence de son projet, Willy Schraen n’a eu de cesse, depuis, de le remettre sur la table, jusqu’au congrès national des maire de France en novembre 2021[24]Chasse : Les chasseurs « ont un rôle à jouer en matière de police de proximité », estime leur président Willy Schraen, 20 minutes, 14 novembre 2021 . Pour nos indignés du mercredi après-midi avant l’heure du goûter, il ne peut s’agir que d’un retour aux heures les plus sombres de notre histoire. Attention, voici le retour de la Milice !

Le même Willy Schraen souhaite que les chasseurs «jouent un rôle en matière de police de proximité» – donc littéralement la création de milices rurales.

Et de verser illico dans le fake le plus grossier, un classique des réseaux sociaux :

Son souhait est exaucé durant le confinement de 2020 : les chasseurs peuvent sortir et sont chargés de surveiller les promeneurs qui ne respecteraient pas les restrictions.

Évacuons rapidement cette dernière énormité : une véritable légende urbaine s’est développée sur les réseaux sociaux à partir d’un arrêté préfectoral isolé et mort-né, qui prétendait réquisitionner les lieutenants de louveterie et gardes particuliers, tous assermentés, pour qu’ils signalent à l’autorité publique les éventuels contrevenants au confinement. Sitôt publié, cet arrêté pour le moins original du préfet de Seine-et-Marne a été retiré et mis aux oubliettes. Précisons que les principaux intéressés eux-mêmes n’avaient aucune intention de se prêter à ce rôle totalement hors de leur compétences[25]En Seine-et-Marne, les chasseurs ne pourront plus patrouiller dans les forêts pour faire respecter le confinement, France Info, 9 avril 2020 .

Le projet de Willy Schraen est évidemment loin de ces fantasmes. Mais encore faut-il aller le lire, plutôt de brailler à tort et à travers (et oui, c’est un peu long, avec beaucoup de mots de plus de trois syllabes)[26]Willy Schraen, président des chasseurs : Nous avons un rôle à jouer en matière de police de proximité, Le Journal du Dimanche, 13 novembre 2021  :

Qu’allez-vous dire aux élus locaux cette semaine lors du congrès des maires auquel vous participez?

Aujourd’hui, on assiste dans les communes rurales à une disparition de la police de proximité concernant la surveillance des espaces agricoles et forestiers. En tant qu’élu rural, je le constate tous les jours. La gendarmerie s’occupe de la délinquance, l’Office français de la biodiversité a des moyens très insuffisants pour exercer la police de la chasse et de la pêche. Peu de communes peuvent encore se payer des gardes champêtres. Des maires se font agresser pour des histoires de dépôt d’ordures. La délinquance rurale et environnementale augmente. Il manque clairement un maillon au niveau des territoires. Je pense qu’en matière de police de proximité, les fédérations départementales des chasseurs ont un rôle à jouer pour contribuer à la prévention et à la surveillance des territoires en complément des missions régaliennes de l’Etat.

De quelle façon ?

Au sein de la Fédération, nous avons des agents de développement. Ce sont des professionnels formés et assermentés intervenant déjà dans certaines communes qui en ont fait la demande pour la régulation de certaines espèces nuisibles. Ils pourraient, demain, sous le contrôle de l’Etat et des maires, avoir des missions plus larges pour s’occuper des dépôts d’ordure illégaux, de la divagation des animaux domestiques, des problèmes liés à la présence de véhicules motorisés dans la forêt à des endroits sensibles, etc. Il s’agirait de dresser des procès-verbaux et de constater des flagrants délits.

Vous proposez une police de chasseurs?

Il ne s’agit pas de donner des armes aux chasseurs pour effectuer ces missions, ni de transformer nos agents en policiers de l’environnement. Ce serait ridicule et ce n’est en aucun cas l’objectif. Ça ne fonctionnera qu’avec les communes rurales qui voudront bien souscrire une convention avec les fédérations départementales des chasseurs pour la réalisation de certains constats. En réalité, beaucoup de maires font déjà appel à nous, mais notre action est limitée pour répondre à leurs attentes. Il s’agirait donc de donner un cadre légal à notre intervention. On a 1.500 salariés capables de le faire.

Pas de milices rurales composées de chasseurs le fusil à la main, donc. Mais des agents déjà assermentés, sans armes, pour verbaliser ces infractions mineures qui relèvent essentiellement de l’incivilité et qui, devenues quotidiennes, sont une plaie dans nos campagnes.

Soyons lucides, cependant. Aussi justement motivée cette idée peut-elle sembler, elle est en pratique plutôt malvenue. Élargir les missions d’intérêt général confiées à la chasse est évidement un moyen puissant de consolider l’avenir de celle-ci. Mais dans ce cas précis, combien de fédérations départementales souhaitent-elles consacrer leurs fonds à une mission qui, à l’évidence, ne relève pas de leur coeur d’activité, qui doit demeurer la chasse ? Les gardes champêtres, que l’on avait cru voir disparaître et dont on redécouvre toute l’utilité, relèvent des communes, non des fédérations. Sans compter, bien évidemment l’opinion, dont une très large part ne comprendrait pas ce « pouvoir » à ses yeux donné aux « chasseurs ». Il y a parfois de fausses bonnes idées, comme cela…

Scoop : à la chasse, on tue des animaux

Mais voilà qu’à présent, nos brillants lanceurs d’alerte ont une révélation à vous faire :

Pour rappel, la chasse est un «loisir» meurtrier. Outre les dizaines de millions d’animaux abattus chaque année en France

Comment dire ? L’idée générale de la chasse est en effet qu’entre autres raisons, un gibier mort est plus pratique après, une fois dans l’assiette :


98% du gibier est consommé par les chasseurs, distribué ou commercialisé. Les pertes ne dépassent pas 2%.

Expliquer ici que chasser pour le plaisir d’une bonne venaison est tout aussi légitime aujourd’hui qu’hier allongerait encore cet article. Je me permets donc de vous renvoyer plus simplement à ce billet : On n’a plus besoin de chasser pour se nourrir aujourd’hui ? Ainsi qu’à ce thread Twitter qui rappelle ce que sont les espèces occasionnant des dégâts et la nécessité de leur « régulation » :

Oui, nous tuons des animaux. C’est la finalité de la chasse, sans que son essence, bien plus complexe, ne s’y réduise. Nous le faisons parfois parce que c’est une nécessité, triviale. Et sinon, nous faisons le choix assumé de prélever notre quote-part dans la nature, de façon aujourd’hui réfléchie, mesurée et contrôlée. Nous pouvons être, là-dessus, droits dans nos bottes.

L’abjecte assimilation de la chasse au terrorisme islamique

Nous arrivons enfin au bout de ce catalogue de clichés, d’approximations, de méconnaissance et de fakes. Pour tomber hélas dans l’abject :

En 20 ans, plus de 410 personnes ont perdu la vie lors de parties de chasse, et plus de 2500 blessées. Plus que lors d’attentats sur la même période.

Oser récupérer les victimes du terrorisme dans cette attaque minable contre la chasse, confondre des assassinats, des meurtres prémédités, conçus pour terroriser la population, avec ce qui reste, aussi choquants puissent-ils être parfois, des drames accidentels, sans aucune intention, des homicides involontaires… Comment dire ? Ne profanez plus les morts du terrorisme !

Le bilan comptable de la Fédération nationale des chasseurs

Voici enfin les fameux comptes de la Fédération nationale des chasseurs. Sur lesquels… je ne dirai rien ici pour le moment, au risque de vous décevoir (je complèterai cet article le moment venu). Et sur lesquels je ne peux que vous inviter à attendre d’être plus amplement informés : le libellé formel d’une ligne de bilan comptable ne dit rien sur le fond. Sur la nature, l’origine, le rôle des financements ainsi regroupés. 11 millions d’euros en 2021 ? Un poste qui a augmenté de 23 000% en quelques années ? Cela peut relever, sur le fond, de tant de choses… Le procédé est juste aussi démagogue que minable. Il ne mérite en réalité pas qu’on s’y arrête à ce stade.

Si la Fédération nationale des chasseurs ne prend pas les devants pour expliquer ses financements publics, nous savons que la Cour des comptes va se pencher sur ceux-ci (et sur l’ensemble des subventions à toutes les fédérations départementales et régionales) très prochainement[27]La Cour des Comptes va lancer une enquête sur le financement public au fédérations des Chasseurs, le Chasseur Français, 12 juillet 2022 . Sachons attendre ses conclusions, et ne pas verser dans de vaines polémiques.

[Mise à jour le 20 août 2022] La FNC, puis les services du premier ministre ont apporté, depuis la publication de cet article, quelques premiers éléments de réponse[28]Les cadeaux de Macron aux chasseurs : de 27000 euros de subventions en 2017… à 6,3 millions en 2021,Le Parisien, 20 août 2022  :

« Il n’y a que des contre-vérités dans tout cela », contre-attaque Willy Schraen, guère étonné par les propos de ses opposants. « Nos comptes sont clairs, tout est transparent et il n’y a pas un euro d’argent public qui n’est pas utilisé à bon escient », défend le patron des chasseurs auprès du Parisien. Il rappelle ainsi que le gonflement depuis deux ans des aides publiques à sa fédération est directement lié à la nouvelle loi sur la chasse de juillet 2019, dans laquelle il leur est demandé, en contrepartie, de prendre en charge la gestion des associations communales de chasse agréées et l’attribution des plans de chasse individuels, missions autrefois exercées par les préfets.

Matignon réagit aussi : « Les derniers chiffres peuvent surprendre, mais ils s’expliquent aussi par le fait que de grosses parties de l’argent qui était autrefois alloué aux fédérations départementales de chasseurs, notamment via la délivrance des permis, le sont désormais à la Fédération nationale, qui en a récupéré la prérogative », défend l’entourage d’Élisabeth Borne.


Compensation financière entraînée par le transfert de gestion des ACCA et des plans de chasse

[Mise à jour le 21 août 2022] De fait, les travaux parlementaires lors de l’adoption de la loi de juillet 2019 créant l’OFB et apportant diverses réformes à la chasse confirmer que le transfert du service public (préfectures) aux fédérations départementales des chasseurs des la gestion des Associations communales de chasse agréées et des plans de chasse a entraîné une compensation financière de la part de l’État d’un montant estimé à 9 millions d’euros par ans[29]Avis de la commission des affaires économiques du Sénat sur le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, Sénat 27 mars 2019 .

[Mise à jour le 23 août 2022] la Fédération nationale des chasseurs a finalement précisé le détail de ces financements publics[30]Flash info FNC, FNC, Facebook, 23 août 2022  :

  • Comme évoqué ci-dessus, compensation financière de rigueur pour les missions déléguées par l’État (gestion ACCA et plans de chasse) : 9 millions d’euros.
  • Financement validé par l’Office français de la biodiversité, sur le fonds co-financé pour un tiers, à hauteur de 5 millions d’euros par an, par l’éco-contribution des chasseurs : 1,8 millions d’euros.
  • Dotation au titre d’association de protection de l’environnement, dont en particulier la contribution clé au réseau SAGIR de l’OFB de veille sanitaire sur la faune sauvage (épizooties, zoonoses) : 664 114 euros.

Pour en finir avec les petites phrases et les gros chiffres racoleurs

Pour conclure, si nous regardons avec le recul nécessaire tout ce qui a été passé en revue ici, je ferais deux constats.

Le premier est que certaines des nombreuses déclarations télévisées de Willy Schraen sont indéniablement maladroites sur la forme, et parfois malavisées sur le fond. Le choix d’intervenir dans une émission de télé-poubelle comme les Grandes Gueules, dont le fonds de commerce est l’outrance, avait sans doute une justification, dans le souci de toucher un public que n’atteint généralement pas, sinon, le discours officiel de la FNC. Il s’avère à l’usage improductif. La FNC devrait en tirer les conclusions. Sortir la chasse du placard était une nécessité, et Willy Schraen a le très grand mérite de l’avoir compris. Mais pour l’expliquer, avec soin et avec retenue. Pas pour verser, involontairement sans doute, dans d’inutiles provocations, ou maladresses perçues comme telles par une large part de l’opinion.

Mais le second constat importe davantage. Quand la critique contre la chasse se borne à ces petites phrases, que l’on n’hésite pas au besoin à détourner… quel procédé est-ce là ? Peut-on admettre que de véritables questions, légitimes, soient réduites à ce buzz dérisoire ? Tout cela ne m’a toujours rien dit des positions sur le fond de la FNC sur la cohabitation des usages dans les espaces naturels, ni sur la sécurisation de la chasse, ni sur la question de plus en plus prégnante du respect du droit de propriété rurale et forestière, face au songe creux de « la nature est à tout le monde », ou d’autres questions liés au réchauffement climatique, ou encore les dérives de l’écologisme de salon. La critique de la chasse relève aujourd’hui de plus en plus du trollage de bas niveau. Lassant, épuisant, mais hélas parfois redoutablement efficace.

Plus que jamais, et pour reprendre encore une fois une formule aussi juste qu’essentielle de Willy Schraen : la chasse n’a pas à être défendue, mais elle doit être expliquée. À chacun de nous de contribuer à le faire.

Notes & références

Notes & références
1 Macron arrose ses amis chasseurs d’argent public : 11 millions d’euros en 2021, Contre-Attaque, 17 août 2022
2 Vidéo complète sur le compte Facebook de la FNC, 10 novembre 2021
3 Décès tragique d’une randonneuse lors d’une battue: la réaction de Willy Schraen,chassons.com, 20 février 2022
4 Sécurité à la #chasse: avant de parler renforcement de la règlementation ou autre, il faut déjà connaître l’existant,@FrancAller_info, thread Twitter, 15 juillet 2022
5, 6 Bilan des accidents et incidents de chasse – Saison 2020-2021, OFB
7 « La nature n’appartient pas à tout le monde »: après la polémique, les explications de Willy Schraen, rmc.bfmtv.com/, 10 mai 2022
8 Chasseurs et usagers de la nature réunis pour travailler avec pragmatisme à une meilleure cohabitation dans les espaces naturels, Fédération nationale des chasseurs, 13 juin 2022
9 Chasseurs et usagers de la nature réunis pour travailler avec pragmatisme à une meilleure cohabitation dans les espaces naturels, Fédération nationale des chasseurs, 16 juin 2020
10 Jean-Pierre Digard, L’Animalisme est un anti-humanisme, Paris, CNRS Éd., 2018
11 Dégâts de gibier, fédération nationale des chasseurs, 25 novembre 2020
12 Lettre ouverte aux chasseurs, Fédération départementales des chasseurs du Var, 6 décembre 2018
13 Les chasseurs : un électorat très courtisé, IFOP, mars 2017
14 Lettre d’Emmanuel Macron aux présidents des fédérations départementales des chasseurs, 6 avril 2022
15 Emmanuel Macron : tous les détails de la fête de ses 40 ans au château de Chambord, Voici, 16 décembre 2017
16 Macron, les chasseurs et le « pacte de Chambord », Paris-Match, 29 octobre 2019
17 Les représentants du Collectif Glu se sont entretenus avec le Ministre de la Transition Ecologique Christophe Béchu, chassons.com, 1à août 2022
18 Les représentants du Collectif Glu se sont entretenus avec le Ministre de la Transition Ecologique Christophe Béchu, chassons.com, 1à août 2022
19 Le Plomb : changement des règles européennes à compter du 15 février 2023, Fédération nationale des chasseurs, 17 avril 2021
20 Éco-contribution des chasseurs, Fédération nationale des chasseurs
21 Avis du Conseil scientifique de l’OFB sur l’éco-contribution, OFB, 18 novembre 2021
22 Le « cadeau » d’Emmanuel Macron aux chasseurs en est-il vraiment un ?, Capital, 13 avril 2018
23 Evaluation du service écosystémique chasse en 2015, BIPE, 20 novembre 2016
24 Chasse : Les chasseurs « ont un rôle à jouer en matière de police de proximité », estime leur président Willy Schraen, 20 minutes, 14 novembre 2021
25 En Seine-et-Marne, les chasseurs ne pourront plus patrouiller dans les forêts pour faire respecter le confinement, France Info, 9 avril 2020
26 Willy Schraen, président des chasseurs : Nous avons un rôle à jouer en matière de police de proximité, Le Journal du Dimanche, 13 novembre 2021
27 La Cour des Comptes va lancer une enquête sur le financement public au fédérations des Chasseurs, le Chasseur Français, 12 juillet 2022
28 Les cadeaux de Macron aux chasseurs : de 27000 euros de subventions en 2017… à 6,3 millions en 2021,Le Parisien, 20 août 2022
29 Avis de la commission des affaires économiques du Sénat sur le projet de loi portant création de l’Office français de la biodiversité, Sénat 27 mars 2019
30 Flash info FNC, FNC, Facebook, 23 août 2022

Share my article