Chasse loisir ? plaisir ? superflue ? Chasse de régulation ? utile ? nécessaire ?

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Faut-il différencier, opposer, une chasse utile, de « régulation » et une chasse superflue, de « loisir » ? Les chasseurs n’en ont-ils rien à f… de réguler, comme le répètent les anti-chasse ? La chasse est-elle juste une activité cruelle et inutile ? Ou faudrait-il la réduire à sa seule part hélas nécessaire ? Rien de tout cela. Ce discours ne repose que sur une fausse distinction entre une chasse plaisir et une chasse « utile » : elles sont en réalité indissociables. Chasser n’est pas un métier, c’est bien un  loisir, mais dont on ne mesure souvent pas toutes les contributions essentielles à l’intérêt général.

« J’en ai rien à foutre de réguler »

« J’en ai rien à foutre de réguler. » Sorti de son contexte[1]Daims parqués : faut-il interdire la chasse en enclos ?, les Grandes Gueules, RMC, 9 novembre 2021 , ce propos à l’emporte-pièce de Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, fait le bonheur des anti-chasse, des antispécistes, animalistes et autres « écologistes » avides de dénoncer l’« inutilité » de la chasse, ce « loisir cruel et mortel, dépassé », qu’il faudrait de toute urgence abolir.

Nécessitant trop de nuances, la question de fond qui est posée ici était sans doute bien trop complexe pour pouvoir être abordée dans une émission spectacle de média-poubelle telle que les Grandes Gueules. L’empoignade confuse entre Willy Schraen et Marie-Anne Sombré au cours de laquelle ces mots ont été prononcés en témoigne (les interruptions répétées et véhémentes de cette dernière n’ont pas été retranscrites) :

Tu vois, Marie-Anne, t’as strictement rien compris à la chasse…
Oui, je vais t’expliquer…
Je vais t’expliquer ce que t’as pas compris…
Toi tu pense…
Toi, tu penses qu’on est là pour réguler ? Mais t’as pas compris…
T’as pas compris que nous, c’est une passion ? T’as pas compris qu’on prend du plaisir dans l’acte de chasse ? …
[À tuer dit Marie-Anne Soubré]
Ça en fait partie…
Tu crois qu’on va devenir effectivement les petites mains de la régulation ? Et que demain on va dire, la chasse…
Moi, mon métier, c’est pas chasseur. J’en ai rien à foutre de réguler. Moi, je vais à la chasse parce que c’est une transmission extraordinaire dans ma passion, et j’y prends du plaisir. Si en plus, ça peut aider l’intérêt général, je suis d’accord…
Mais tu ne feras pas chasser des gens…

Willy Schraen,
Les Grandes Gueules, 9 novembre 2021

Essayons, au moins à grands traits, d’éclaircir les choses. Je renverrai, à plusieurs reprises, à d’autres articles plus spécifiques publiés sur ce site.

Nous ne chassons pas par nécessité

La chasse n’est pas d’abord affaire d’utilité. La chasse est d’abord, fondamentalement, une activité naturelle, naturelle à l’homme, dont elle a d’ailleurs façonné en large partie l’évolution. Nous n’en avons certes plus besoin aujourd’hui pour nous nourrir, au sens strict du besoin toutefois, et dans un pays comme la France. Mais la chasse n’en reste pas moins légitime en elle-même, même si elle est devenue un loisir.

Répétons-le clairement à la suite de Willy Schraen : oui, nous chassons d’abord et avant tout pour le plaisir, pour les plaisirs de la chasse, nombreux et variés, et nous l’assumons entièrement. La chasse est, comme l’a souligné Willy Schraen à raison, une question de passion mais aussi de patrimoine, de culture, d’identité.

La chasse n’en est pas moins largement nécessaire

Ce loisir, cependant, rend à la collectivité des services dont celles-ci aurait bien du mal à se passer. La fameuse « régulation » évidemment (même si ce terme est généralement très confusément compris), qui concerne en réalité bien plus d’espèces que les incontournables sangliers, au moins une trentaine de façon triviale sur 90 espèces chassées en France :

Parlons régulation : quelles espèces et pourquoi (non exhaustif) ?

Mais l’apport de la chasse, c’est aussi notre contribution considérable à réhabilitation, la préservation et l’entretien des écosystèmes à l’heure où il s’agit d’une priorité écologique, économique, sociétale majeure :


La chasse agit directement pour la sauvegarde des écosystèmes[2]La chasse, coeur de biodiversité, Fédération nationale des chasseurs, septembre 2020

S’y ajoute le rôle essentiel des chasseurs en matière de veille sanitaire sur la faune sauvage, à l’ère où l’on s’inquiète tant des pandémies et des zoonoses :


La chasse, sentinelle de la santé publique et animale[3]La chasse, coeur de biodiversité, Fédération nationale des chasseurs, septembre 2020

La chasse, c’est aussi un lien social, un des derniers dans le monde rural :


La chasse, une chance pour nos villages[4]La chasse, coeur de biodiversité, Fédération nationale des chasseurs, septembre 2020

Ce rôle de la chasse, ces services d’intérêt général rendu par notre loisir, sont d’ailleurs inscrits dans le code de l’environnement :

L’équilibre agro-sylvo-cynégétique consiste à rendre compatibles, d’une part, la présence durable d’une faune sauvage riche et variée et, d’autre part, la pérennité et la rentabilité économique des activités agricoles et sylvicoles.

[…]

L’équilibre agro-sylvo-cynégétique est recherché par la combinaison des moyens suivants : la chasse, la régulation, la prévention des dégâts de gibier par la mise en place de dispositifs de protection et de dispositifs de dissuasion ainsi que, le cas échéant, par des procédés de destruction autorisés[5]Article L425-4 du Code de l’environnement, Légifrance .


La gestion durable du patrimoine faunique et de ses habitats est d’intérêt général. La pratique de la chasse, activité à caractère environnemental, culturel, social et économique, participe à cette gestion et contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique.

Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s’impose aux activités d’usage et d’exploitation de ces ressources. Par leurs actions de gestion et de régulation des espèces dont la chasse est autorisée ainsi que par leurs réalisations en faveur des biotopes, les chasseurs contribuent au maintien, à la restauration et à la gestion équilibrée des écosystèmes en vue de la préservation de la biodiversité. Ils participent de ce fait au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural[6]Article L420-1 du Code de l’environnement, Légifrance .

La chasse est-elle « remplaçable » dans ces différents apports à la société, et particulièrement en matière de « régulation » ? L’idée de « régulateurs professionnels » prenant la place des chasseurs est une vue de l’esprit, au moins pour de criantes raisons économiques et financières. Cette fonction de régulation d’une partie de la faune sauvage est-elle rendue caduque par l’élevage de gibier, comme le prétendent les anti-chasse ? Il suffit de prendre la mesure de la véritable part de gibier d’élevage dans la chasse, sans parler du fantasme du grand remplacement par les cochongliers, pour dissiper ces affirmations fantaisistes.

Opposer chasse loisir et chasse de régulation : un piège destiné à tuer la chasse

Peut-on, doit-on, opposer ces deux aspects de la chasse, « chasse loisir » et « chasse utile » ? En aucun cas. Ceux qui cherchent à différencier une chasse « loisir » d’une chasse de « régulation » ne cherchent en réalité qu’à dépecer la chasse, mode de chasse après mode de chasse, gibier après gibier, pour la réduire à une sorte de fonction honteuse de régulation de quelques espèces (le moins possible), juste tolérée faute d’alternatives réalistes. Ces hypocrites, ces tartuffes qui prétendent ne pas être radicalement opposés à la chasse mais juste à quelques abus, ont bien compris que l’attaquer en bloc était illusoire. Il s’agit donc de la saucissonner, selon la tactique bien connue du salami : « nous n’en voulons pas à la chasse ni aux chasseurs. Nous demandons juste la fin des pratiques les plus cruelles, de la chasse aux espèces les plus menacées… »

Mais après avoir aboli, supprimé ceci ou cela, il y aura toujours aux yeux de ces fanatiques anti-chasse une nouvelle « pratique la plus cruelle », une nouvelle « espèce chassée (prétendument) la plus menacée par la chasse. » Après avoir obtenu l’interdiction de la chasse à courre, ce sera bien évidemment le tour de la vénerie sous terre, et puis, et puis… Après le retrait de la liste des espèces chassables du blaireau, ce sera le tour du renard, et puis, et puis… La chasse finira ainsi réduite à l’abattage des sangliers, des cerfs et des chevreuils (et encore), au piégeage des ragondins et des corbeaux freux (et encore). Mais vous vous apercevrez alors, un peu tard, que vous aurez un gros souci : nous ne serons plus là pour faire votre sale besogne, réduits à la seule fonction honteuse de « régulateurs. » En tuant la liberté, le plaisir de chasser, vous aurez tué la chasse.

Prenez conscience, dès maintenant, que ceux qui veulent cette mort de la chasse vous conduiront à une situation dont vous mesurez sans doute mal les conséquences. Sans même parler de nos libertés bafouées — si jamais cela vous indiffère — songez qu’un monde sans chasse, sans chasseurs, c’est un investissement économique considérable qui aujourd’hui ne vous coûte pratiquement rien, qui sera alors à votre seule charge (et ceci n’est qu’une faible partie du coût total) :


Les services rendus par la chasse représentent une plus-value totale de 569 millions d’euros par an pour les autres usagers des espaces naturels[7]La chasse, coeur de biodiversité, Fédération nationale des chasseurs, septembre 2020

Cette entreprise de destruction méthodique de la chasse ne concerne d’ailleurs pas que nous autres, chasseurs. Les antispécistes de L214 ne font rien d’autre quand ils prétendent ne vouloir qu’améliorer la condition des animaux de rente contre les excès de l’élevage intensif : c’est bien l’abolition de l’élevage tout entier qu’ils visent. Ceux de Paris Zoopolis ou de OneVoice Animal poursuivent le même but en prétendant s’en prendre uniquement à la pêche au vif : c’est bien la pêche dans sa totalité qui est la cible. L’équitation, le cirque, l’aquariophile, l’apiculture… tout ce qui, aux yeux de l’antispécisme vegan, relève de « l’exploitation des animaux non humains », sous quelque forme que ce soit, représente autant de pratiques à abolir. Imaginez la société, la vie, le monde auxquels ces fanatiques veulent vous conduire. Demandez-vous pourquoi, nous, chasseurs, tenons aujourd’hui à défendre chacun de nos modes de chasse, chacun de nos gibiers. Et réfléchissez.

Notes & références

Notes & références
1 Daims parqués : faut-il interdire la chasse en enclos ?, les Grandes Gueules, RMC, 9 novembre 2021
2, 3, 4, 7 La chasse, coeur de biodiversité, Fédération nationale des chasseurs, septembre 2020
5 Article L425-4 du Code de l’environnement, Légifrance
6 Article L420-1 du Code de l’environnement, Légifrance

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